Le cabinet PANTONE-AVOCATS s’est porté partie civile devant la Cour d’assises du Nord, au nom de son client, victime de séquestration, d’actes de torture et de barbarie. Porte-parole de la souffrance endurée, la question s’est posée des préjudices physiques et psychologiques endurés et encore ressentis plusieurs années après les faits traumatiques. Voir ici article Voix du Nord

Les faits :

De janvier 2014 au 30 avril 2017, pendant plus de trois années, la victime a été privée de liberté, contraint de dormir dans une cave, d’effectuer les tâches ménagères et de se nourrir de boites pour animaux pour ne pas mourir de faim, frappé et humilié quotidiennement par les accusés et les autres membres de la famille.

Ce n’est que suite à un choc septique pulmonaire qui aurait pu lui être fatal et dans un état de dénutrition sévère que ses tortionnaires l’ont déposé devant l’hôpital en indiquant au personnel soignant qu’il était sans domicile fixe et qu’il avait été retrouvé au bord du canal de Roubaix

Cette histoire sordide a connu son épilogue le 21 Mai 2021, par la condamnation devant la Cour d’assises du Nord des 3 tortionnaires à 18 et 17 ans de réclusion criminelles pour séquestration, actes des tortures et de barbarie Voir ici article Voix du Nord

La victime, défendue par le Cabinet PANTONE-AVOCATS, épuisée physiquement et psychologiquement, a demandé la réparation de son préjudice résultant de ces Mille deux cents jours de sévices.

Plus de 4 ans après les faits, la victime est toujours en souffrance et prend un traitement médicamenteux (antidépresseurs et anxiolytique) en lien direct et certain avec les faits commis par les accusés.

L’état de santé psychologique de la victime a été et sera durablement marqué par les actes de tortures et de barbarie dont il a été victime

Une juste et intégrale indemnisation :

Une victime doit obtenir une juste réparation des préjudices subis. Il y a lieu de l’indemniser en se basant sur le principe de réparation intégrale des préjudices et d’étudier les préjudices non de manière globale mais poste par poste (Cass. Crim. 18 février 2014, n° 12-87.629).

La mise en œuvre du rapport Dintilhac (base de calcul de l’indemnisation des préjudices corporels) est recommandée par le ministère de la justice et ce même en matière de préjudice psychologique. La tête fait bien parti du corps !

L’alinéa 1er de l’article 2 du code de procédure pénale prévoit que :

« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».

Des séquelles physiques des coups répétés portés et des tortures infligées ont été constatées par la médecine légale mais également des souffrances psychologiques qui s’observent dans les états de stress post traumatique, caractérisant notamment les situations de traumatismes répétés, souffrances telles que

  • Insomnies
  • reviviscences autour des scènes traumatiques,
  • syndrome du quivive (« j’ai toujours peur qu’il me tombe dessus »)
  • ruminations anxieuses envahissantes
  • conduites d’évitement (« j’évite de sortir ») »

Tous les postes de préjudice sont susceptibles d’être impactés par un état de stress post traumatique (Préjudice de la douleur, préjudice esthétique …)

La difficulté est que les différentes échelles d’évaluation du syndrome de stress post traumatique requièrent d’être appréciées à distance de la survenance des faits.

Il est important que les différents postes de préjudices soient appréciés par un expert psychiatre qui déterminera dans un premier temps les préjudices temporaires puis dans un second temps les préjudices permanents

Les préjudices temporaires s’entendent des postes de préjudices antérieurs à la date de consolidation qui devra être fixée par le médecin expert.

Devront ainsi être définis avec précision le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent

 

Le déficit fonctionnel temporaire n’est pas une incapacité totale de travail civile

Le DFT a pu être qualifié à tort d’Incapacité totale de travail (ITT) civile en parallèle avec l’ITT pénale

Or il s’agit d’une notion plus vaste que la seule période d’ITT et ne coïncide pas nécessairement.

La chambre criminelle de la Cour de cassation définit habituellement la période d’ITT comme la durée pendant laquelle une victime éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante et non pas uniquement de la gravité des blessures. Elle correspond à la période d’indisponibilité pendant laquelle l’intéressé ne peut plus exercer les actes essentiels de la vie courante sans pour autant les interdire, en relation directe et certaine avec le fait générateur (v. Cass. crim. 22 novembre 1982 n° 81-92856 ; 6 février 2001 n° 00-84.692).

Dans cette affaire de séquestration, l’expertise du médecin-légiste, a fait débuter la période d’ITT au jour de l’admission au centre hospitalier, soit au jour où les infractions cessent et non pas au jour où débutent celles-ci.

Si une telle analyse semble pouvoir être retenue pour une infraction instantanée comme des violences volontaires, cela semble contestable concernant une infraction continue telle qu’une séquestration

La période d’ITT aurait pu être retenue dès le commencement des faits et non au jour où ceux-ci ont pris fin.

Toutefois, la notion d’ITT est uniquement destinée à la qualification pénale et non à évaluer le préjudice de la partie civile. Ainsi, la victime, par le biais de ses avocats va pouvoir obtenir une indemnisation intégrale de son préjudice

Le rapport Dintilhac, base de calcul indemnitaire en matière de préjudice corporel définit le DFT de la manière suivante :

« Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation […]

Il s’agit de prendre en considération l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la “perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante” que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement  familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.) », et ce même en dehors de toute hospitalisation.

Il convient de raisonner pas analogie en considérant que ce poste indemnise le préjudice pendant la « période » traumatique, soit du début de la séquestration jusqu’à la consolidation soit la fin des soins hospitaliers

Le DFT ne peut être calqué sur la période d’ITT au sens pénal et doit prendre en compte la période de séquestration soit 1200 jours de sévices.

Au surplus, le déficit fonctionnel temporaire total est assimilable au période d’hospitalisation en établissement ou à domicile durant lesquels la personne peut tout de même avoir accès à l’alimentation ordinaire ou encore à certaines activités.

Une majoration de l’indemnisation est opportune lorsque les troubles dans les conditions d’existence sont d’une particulière gravité ou en présence d’une victime mineure ou vulnérable.

En guise de parallèle, l’indemnité allouée pour le seul préjudice moral résultant d’une détention injustifiée s’élève en moyenne 65€ par jour  et non 25 € (Voir en ce sens : 4 ans – préjudice moral 90 000€ : Cour de cassation, Commission de réparation des détentions, 13 juin 2017, n°6C-RD042 ; 70 000€ pour 3 ans : Cour d’appel de Bordeaux – 20 novembre 2018 – n° 18/02283 ; 12 000€ pour 5 mois et 25 jours : Cour d’appel d’Aix-en-Provence – 2 mars 2012 – n° 11/00026 ; 9 000€ pour 4 mois : Cour de cassation – Commission nationale de réparation des détentions – 31 mars 2014 – n° 13CRD035).

Une fois encore, les exemples précités concernent des conditions de détention ordinaire d’une prison française, avec matelas, repas complet, télévision, activités, … et non dans celles dans lesquelles a vécu la victime pendant plus de 3 ans et demi.

Le déficit fonctionnel permanent, l’indemnisation des séquelles définitives

Comme déjà souligné, les différentes échelles d’évaluation du syndrome de stress post traumatique requièrent d’être apprécié à distance de la survenance des faits.

Ainsi, la classification internationale des troubles mentaux (CIM-10 / + DSM V à vérifier), précise que « l’appréciation d’une névrose post-traumatique ne peut être envisagée qu’après environ deux ans d’évolution ».

Le barème indicatif du Concours Médical, servant de base aux Experts, évalue jusqu’à 20% le taux d’incapacité permanente que l’on peut attribuer pour évaluer les séquelles d’une « névrose traumatique » du type stress post traumatique.

Il convient de préciser que l’Expert est libre d’apprécier un taux d’IPP supérieur à 20%. Ceci pourrait d’ailleurs être justifié ici eu égard à la gravité et à la durée des faits.

Le Cabinet PANTONE AVOCATS a dès à présent obtenu pour la victime une première indemnisation de 90 000 euros ainsi qu’une nouvelle expertise médicale qui permettra de chiffrer une indemnisation intégrale et juste du préjudice résultant de ces 1200 jours de souffrance